Le lien entre le climat et la sécurité nationale

Les forces de défense examinent les moyens de décarbonisation à la lumière de la reconnaissance récente de l’OTAN du changement climatique comme défi de sécurité et de l’établissement de nouveaux objectifs pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le général Tom Middendorp, qui a pris sa retraite en 2017 en tant que chef de la défense des Pays-Bas, est maintenant président du Conseil international militaire sur le climat et la sécurité et auteur du livre Klimaatgeneraal (Uitgeverij Podium, février 2022). Dans une conversation avec le partenaire Axel Esqué de McKinsey, Middendorp a détaillé les types de risques de sécurité posés par le changement climatique, discuté des stratégies pour décarboniser le secteur de la défense et suggéré que les efforts de durabilité pourraient rendre les unités militaires plus opérationnelles.

Le changement climatique et la sécurité sont étroitement liés. Les services de renseignement américains nous mettent en garde depuis plus de 20 ans sur l’interaction entre les deux. Nous commençons à voir comment cela affecte le travail militaire. Par exemple, en Afghanistan, les pénuries d’eau ont provoqué des tensions dans les populations, que le Taliban a exploitées. En Somalie, nous avons vu comment le nombre croissant de sécheresses a poussé les pauvres agriculteurs et pêcheurs à la piraterie. Au Mali, nous avons vu des éleveurs et des nomades forcés de rejoindre des organisations extrémistes.

La question suivante est donc de savoir comment la communauté de la sécurité peut réagir. Au cœur du problème se trouve un écart croissant entre l’offre et la demande. La population mondiale double en taille, donc la demande augmente. Pendant ce temps, nous manquons de nombreuses ressources, y compris l’eau et les minéraux rares. Cet écart entre l’offre et la demande deviendra une source de friction dans le monde. Et cela conduira à des catastrophes, des flux migratoires, à l’extrémisme et aux conflits internes et externes dans les régions.

Les effets du changement climatique sur le paysage mondial de la défense peuvent être divisés en deux catégories. Les effets directs comprennent l’adaptation des équipements, des uniformes et tout le reste aux circonstances climatiques changeantes. Les forces militaires doivent également protéger les infrastructures vitales telles que les ports ou les stations radar situées dans des zones côtières contre les influences du changement climatique. Les forces militaires doivent également réduire leurs propres émissions pour atteindre les objectifs climatiques et devenir plus indépendantes sur le plan énergétique.

Les effets indirects comprennent l’augmentation des flux migratoires et des tensions politiques, en particulier dans les pays fragiles qui ne sont pas résilients face à ses impacts. Une autre conséquence indirecte est l’augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles, ce qui entraîne souvent l’appel des forces militaires en tant que premiers intervenants. Enfin, le changement géopolitique résultant du changement climatique est un bon exemple, comme l’Arctique qui fond maintenant et ouvre une nouvelle arène géopolitique complètement nouvelle.

L’OTAN s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 45 % d’ici 2030 et à atteindre zéro net d’ici 2050. Cet engagement est-il réaliste? Est-ce suffisant? Je pense que cet objectif est assez ambitieux, mais c’est la bonne décision et je m’attends à ce que les États membres le suivent. Cela montre le leadership et montre qu’il n’y a pas de retour en arrière. Quoi qu’il en soit, nous devons passer par cette transition et nous devons l’accélérer.

Pour les organisations de défense qui pensent à la durabilité, je pense qu’il n’y a pas de solution magique ici. Nous devons rendre nos organisations, nos politiques et nos équipements résistants au climat. Au niveau gouvernemental, cela peut se faire par la formulation de politiques et la réglementation et par l’établissement de critères pour l’équipement militaire futur. Du côté industriel, il est important de recentrer la R&D sur la minimisation des empreintes logistiques des unités militaires et sur leur maximisation de l’indépendance énergétique, sans réduire leur efficacité opérationnelle. La récompense est énorme car l’entreprise qui développera ces technologies sera la première sur la liste pour toute organisation militaire.

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Pierre Durand

Pierre Durand est un expert en durabilité, défense, OTAN, stratégies et changement climatique. Il est diplômé de l'Institut des Relations Internationales de Paris et a travaillé dans le domaine depuis plus de 10 ans. Il est reconnu pour sa connaissance approfondie des politiques et stratégies mondiales et pour son engagement envers la durabilité et la lutte contre le changement climatique.

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